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1/3 – Plastiques, usages et recyclage

Le plastique est connu et méconnu à la fois. Pollution, utilité, ressources, usages ; nous devons clarifier ce sujet.
A travers une série de 3 articles, nous tentons de réconcilier plastiques et un monde durable. Dans cet article #1, nous parlons de plastiqueS, de leurs usages et du recyclage.

Un contexte pour cette série sur les plastiques

Le plastique est connu et méconnu à la fois. Source de pollution majeure tout autant que matériau miracle. Aujourd’hui, le plastique est la cible première du plus durable. Nous pensons toutefois que l’objectif « 0% plastique » n’est pas réaliste pour les décennies à venir.

Une position inhabituelle ? En tant que fabricant et petit atelier, nous nuançons celle-ci de manière non dogmatique et factuelle. Loin de fournir une simple opinion, nous étayons notre position afin de convaincre. Car en effet, nous utilisons du plastique dans certaines des réalisations durables. Comment pouvons-nous être raccords ?

Afin de parler des plastiques dans notre société, nous vous proposons une série d’articles : l’article 1/3 aujourd’hui vous présente les plastiques, les déchets associés et parle du recyclage (cliquez pour rejoindre directement les sections). Nous tentons de rendre clair le lien entre usages et quantité de déchets.

L’article 2/3 dressera un bilan de la pollution causée par les déchets plastiques, en nous appuyant sur l’excellent rapport Breaking the Plastic Wave [1](2020, 23 juillet) Breaking the Plastic Wave: Top Findings for Preventing Plastic Pollution. pewtrusts.org. Enfin, dans notre article 3/3, nous présenterons les solutions appliquées au sein de notre atelier pour contribuer à réduire la pollution plastique. C’est aussi dans cette troisième et dernière partie que nous bouclerons la boucle et présenterons comment et pourquoi du plastique peut être utilisé dans une démarche durable.

Notez que chaque article de cette série représente 15-20 minutes de lecture. Bonne découverte !

Introduction

On retrouve du plastique tout autour de nous. « Le plastique » est devenu l’ennemi n°1 pour le·a consommateur·ice : il faudrait à tout prix éviter ce matériau, à commencer par celui utilisé dans nos emballages. En France, en finir avec le suremballage fait partie des propositions émises en 2020 par la convention citoyenne pour le climat [2] (s.d.) Convention citoyenne pour le climat, limiter le suremballage. propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr . En Wallonie, certains ustensiles en plastique à usage unique sont interdis depuis le 1er janvier 2021[3](s.d.) Interdictions de certains ustensiles en plastique à usage unique. wallonie.be . En contraste total avec ces décisions, la production mondiale de plastique augmente chaque année (+2,5 % entre 2018 et 2019 [4] (s.d.) European Plastic Industry Market Data. plasticseurope.org). Ces 60 dernières années, la production de plastique vierge n’a cessé d’augmenter, comme le présente le graphique ci-dessous réalisé par ourworldindata.

Mais si nous vous disions que cette évolution n’est pas le cœur du problème ? Si nous ajoutons qu’il n’y a pas un plastique ; que l’impact environnemental n’est pas seulement une question de matériau, mais d’usages ? Plus encore, si nous vous disions que le recyclage n’est que l’une des solutions qui doit être mise en œuvre dans les décennies à venir, que répondriez-vous ?

Dans ce billet nous allons parler des plastiques au pluriel, de leurs différences et des usages. Nous détaillerons ensuite comment le recyclage s’opère aujourd’hui et ses limitations actuelles.

Le sujet du plastique est « chargé » ; nous tentons d’ouvrir la discussion et de fournir un grand nombre de sources (primaires ou secondaires) pour soutenir cet article. Une chose est sûre, le 21ème siècle est le siècle du plastique : en Europe, en Afrique, en Asie, dans les Amériques – ce type de matériau est omniprésent. Nous devons faire face au plastique, gérer les déchets produits et ceux accumulés depuis plus de 70 ans.

I. Le plastique : un matériau historique avec un essor au XXIème siècle

Commençons par planter un décor personnel. Pour Aurélie et Luc, nous, le plastique que nous consommons reçoit une attention particulière au quotidien. Luc est aussi ingénieur civil en sciences des matériaux et possède une connaissance théorique et pratique du plastique. Sur le plan professionnel, nous fabriquons des objets et du mobilier qui peuvent inclure du plastique. Nous disposons donc d’une familiarité personnelle et professionnelle sur le sujet. Pour rédiger cet article, nous avons complété nos connaissances en croisant de nombreuses sources publiques et privées.

Voilà pour notre ethos.

Avant d’aborder l’usage des plastiques au 21ème siècle, traçons un bref historique du plastique aux siècles précédents. Vous pouvez suivre l’histoire des plastiques de manière plus détaillée en lisant Regard sur les polymères [5]J.M. Michel (2006, août) Histoire industrielle des polymères.

Un peu de définition.

Un plastique désigne un matériau synthétisé (c’est-à-dire fabriqué par voie chimique) en laboratoire ou présent dans la nature. En effet, un plastique peut être naturel. Le caoutchouc est un exemple. Notre ADN en est un autre ; c’est un polymère de nucléotides.

Un plastique est défini par une structure moléculaire particulière : en zoomant à l’échelle des molécules, on observe de longues chaines qui présentent un motif répété. Ce motif est appelé « monomère ». Ces chaines sont faites de l’assemblage de monomères et s’appellent « polymères ». Chaque plastique présente un motif spécifique. On utilise parfois le mot polymère pour désigner le plastique.

Illustration d'un monomère vs. polymère

Illustration d’un monomère vs. polymère

Il faut ensuite distinguer deux grandes classes de plastiques – promis, ce sera la seule distinction technique de l’article ! On parle des « thermoplastiques » et « thermodurcissables » pour désigner les plastiques qui peuvent être refondus ou non, respectivement. Cette propriété détermine largement la recyclabilité des plastiques.

D’où vient le plastique ?

Assistons à la naissance des plastiques : d’où viennent-ils ? L’usage de plastiques est ancien, avec les colles animales ou végétales utilisées depuis l’antiquité[6] (s.d.) Colle d’os. wikipedia.org. Les protéines contenues dans les os sont des polymères (du collagène spécifiquement). Ce collagène, isolé de la fraction minérale de l’os présente des groupes chimiques qui permettent une adhésion [7]D.W. von Endt et M.T. Baker (1991). The chemistry of Filled Animal Glue Systems. cool.culturalheritage.org avec de nombreux matériaux. Ces colles sont encore utilisées de nos jours, notamment dans l’art.

Plus récemment, c’est le celluloïd, un plastique semi-synthétique qui est inventé. Fin du 19ème siècle, ce plastique est utilisé pour servir comme pellicule de films. Le celluloïd est composé de matières premières naturelles (camphre et cellulose). Plus tard, la Bakelite, un plastique thermodurcissable (résistant mais non recyclable) est inventé en 1909 par le belge Leo Hendrik Baekeland. Ce matériau synthétisé en laboratoire lance l’ère du plastique.

La Bakelite s’est imposée de par sa versatilité : solide, on peut la colorer et la mettre en forme pour remplir une multitude d’applications. On retrouve la Bakelite comme boutons de vêtements, petit mobilier ; des usages jusque-là réservés au bois et métaux. Ce plastique est encore utilisé aujourd’hui, notamment comme finition pour l’ameublement (utilisation de « panneaux bakelisé »).

D’autres plastiques se sont rapidement imposés, comme les polyesters, acrylique ou polystyrène ; tous dérivés d’hydrocarbures, c’est à dire du « pétrole ».

Au cours du 20ème siècle, beaucoup d’autres plastiques ont été développés avec des usages multiples. C’est probablement devant cette complexité que les plastiques se sont regroupés en un singulier « le plastique ».

Cette simplification constitue toutefois un obstacle. En effet, pour comprendre l’impact environnemental variable des plastiques, il faut reconnaitre l’existence de matériaux différents. Il faut aussi pouvoir identifier leurs usages multiples. Il nous faut donc les redifférencier, oublier le singulier et réintroduire le –s.

II. Les plastiques, les usages et les déchets qui en dérivent

Plaçons un nouveau décor : en 2015, 322 millions de tonnes de plastique vierge sont fabriquées chaque année. En 2019, 368 millions de tonnes sont produites [8] (s.d.) European Plastic Industry Market Data. plasticseurope.org. Une augmentation de 13 %. Ici « plastique » inclut tous les plastiques. Nous conservons par la suite le pluriel plastiques pour exprimer clairement la diversité des matériaux.

Que représentent 368 000 000 de tonnes de plastiques ? Nous n’avons pas d’équivalents familiers pour visualiser une telle quantité. Une suggestion toutefois : le poids de l’humanité, soit 7,8 milliards d’humains, représente 483 600 000 tonnes. On parle donc du même ordre de grandeur. Par ailleurs, il n’est pas évident d’imaginer où et pour quelles multitudes d’applications les plastiques se retrouvent dans nos quotidiens.

Le plastique dans nos vies

Nous consommons d’abord des plastiques à travers les emballages (packaging). En 2015, 42 % de la production mondiale de plastiques vierges est employée pour les emballages. Les deux autres grands secteurs consommateurs de plastiques sont ceux de la construction (24 %) et du textile (22 %) [9] H. Ritchie et M. Roser. (2018, septembre). Plastic Use by Sector. ourworldindata.org.

Ces chiffres fixent un contexte sectoriel peut-être familier pour vous, che·re lecteur·rice ? Un contexte matériel, moins habituel mais plus utile permet d’identifier quels plastiques sont utilisés aujourd’hui.

Les emballages alimentaires emploient beaucoup de plastiques transparents ou résistants à l’humidité. Ce sont le polyéthylène (acronymes LDPE et HDPE), polypropylène (PP) et polyéthylène téréphtalate (PET). Ce sont des thermoplastiques. Le HDPE est utilisé pour les bouteilles opaques de lait, le PP est utilisé pour les barquettes qui doivent aller au micro-onde tandis que le PET est très largement employé pour fabriquer des bouteilles d’eau, de sodas, etc. Retrouvez notre tableau plus bas pour plus de détails (sources lobby européen pour les fabricants de plastiques, American Chemistry Council).

Nos vêtements « synthétiques » utilisent principalement des polyesters (parfois PE sur les étiquettes, à ne pas confondre avec LD-PE ou HD-PE), polyamides (PA) et acryliques. Notez là aussi l’utilisation du pluriel : ces termes représentent en effet des classes de plastiques. Le polyester le plus communément utilisé est le PET tandis que le terme polyamide est généralement synonyme de Nylon.

L’autre large secteur consommateur, celui de la construction, emploie entres autres du polychlorure de vinyle (PVC) et des polyuréthanes (PU). Le PVC est utilisé pour les canalisations tandis que les PU sont formés notamment en mousse pour isoler un bâtiment.

Toujours avec nous ? Certes, cette liste est plus technique mais elle nous importe en tant que consomm’acteur·ice : connaitre les plastiques usuels nous permet de les distinguer – de comprendre ensuite le tri sélectif. Plus encore, ces connaissances nous permettent d’aborder leur recyclabilité et comprendre les limites du recyclage – nous en parlons ensuite.

Afin d’enrichir l’utilité de cette liste de plastiques, introduisons quelques chiffres. La figure suivante (données 2015) indique que PP et LDPE sont les plastiques les plus produits, avec 132 millions de tonnes – 48 % du total. Suivent ensuite les PA (fibres textiles) et HDPE. Le PVC et PET suivent de près, avec 71 millions de tonnes produites en 2015.

Les PP, LD/HD-PE, PVC, PET et PA sont donc les plastiques que nous retrouvons avant tout dans notre quotidien.

 

Des plastiques aux déchets

Notre consommation produit des déchets. Toute activité humaine produit un déchet. Entendons-nous : un déchet est une matière, un objet qui a perdu son utilité ou sa valeur pour un·e utilisateur·ice. Pour les plastiques, à partir de quel moment obtient-on un déchet ? Quelle est la valeur fixée pour les plastiques ?

Force est de constater que l’abondance des plastiques et le coût d’achat très faible diminue fortement leur valeur. Certains plastiques, dans les usages décrits plus haut deviennent des déchets après un seul usage. D’autres restent en utilisation un peu plus longtemps mais dans l’ensemble, la valeur attribuée aux plastiques est très faible, voire quasiment nulle.

En 2015, il est estimé que trois quarts des plastiques finissent en déchets dans l’année [10] H. Ritchie et M. Roser. (2018, septembre). Which Sectors Produce the Most Plastic? ourworldindata.org. Il faut toutefois nuancer : la responsabilité n’est pas seulement du côté des consommateurs·ices. En effet, à eux seuls, le secteur de l’emballage et du textile génèrent 183 millions de tonnes de déchets plastiques par an, à cause de produits « jetables ». Pour ces secteurs, la valeur économique des plastiques est si faible qu’il est moins coûteux de continuellement produire des produits en plastiques vierges plutôt que de concevoir des produits réutilisables et plus durables.

Pas de surprise donc : lorsqu’en Belgique ou ailleurs nous consommons du plastique, la matière devient rapidement un déchet. Par exemple, un emballage a une durée d’utilisation moyenne de 6 mois tandis que le textile est utilisé 5 ans [11] (2017, 19 juillet). R. Geyer et al. Science Advances. Production, use, and fate of all plastics ever made. Un déchet est ainsi obtenu peu de temps après l’achat. A titre de comparaison, un équipement industriel, par exemple celui utilisé pour fabriquer nos produits en plastiques est utilisé en moyenne 19 ans [12] (2010). S. Murakami et al. J Indust Eco. Lifespan of Commodities, Par I.

Cette différence résume l’écueil actuel : une durée d’utilisation courte et une valeur faible se traduisent par une production continuelle de déchets.

Quels plastiques constituent nos déchets ?

Afin d’être complètement outillé·es pour aborder ensemble le recyclage des plastiques, il nous faut brièvement décrire nos déchets plastiques. Quels plastiques se retrouvent le plus en déchets ?

Le déchet n°1 est le LDPE (pour rappel : polyéthylène basse densité), comme l’indique la figure ci-dessous. Nous l’évoquions précédemment, le LDPE est utilisé comme film plastique (sacs, emballages produits surgelés). Le LDPE représente 57 millions de tonnes de déchets par an. Évidemment, ce palmarès est avant tout attribuable à son utilisation massive dans les emballages à usage unique.

Le déchet n°1 ex-aequo est le PP (polypropylène) : nous consommons et jetons de grandes quantités d’emballages fabriqués en PP. Une barquette de beurre, une boite de take-away sont fabriquées en PP. Nous produisons 55 millions de tonnes de déchets PP par an.

Les déchets plastiques en 3ème position sont les fibres textiles (polyester, polyamide, acrylique). Ces 42 millions de tonnes de déchets annuels confirment la valeur extrêmement faible des plastiques : même nos vêtements synthétiques deviennent à usage quasi unique. En effet, 71 % des fibres textiles deviennent des déchets dans l’année – presque 3/4. La cause principale est le mouvement fast-fashion qui incite l’achat continu de nouveaux vêtements synthétiques neufs, en proposant des articles à quelques euros et des soldes constantes. Ces pratiques ont aussi un impact humain. Vous pouvez en lire plus sur le sujet sur fashionrevolution.org.

Le HDPE et PET, 4ème et 5ème mais aussi le PS (polystyrène) sont eux aussi des plastiques privilégiés par le secteur de l’emballage. Là encore, l’utilisation de courte durée et la conception pour un usage unique mènent à une forte production de déchets.

Bref, les plastiques que nous consommons le plus sont aussi la source 1ère de déchets. Le schéma ci-dessous résume la situation.

 

 

Le classement des déchets selon les matériaux confirme que c’est bien les pratiques associées à un secteur d’activité qui dicte le volume de déchets. Dit autrement ce sont les plastiques les plus produits car les plus utilisés pour l’usage unique qui forment aussi la plus grande partie de nos déchets.

Nous le répétons : ce n’est pas un plastique en particulier qui est « mauvais ». Plutôt, c’est sa faible valeur émotionnelle qui encourage au déchet précoce et donc un volume de déchets planétaires sans précédent.

Ces dernières années, des changements de vision dans différents secteurs mènent à l’introduction de solutions plus durables. On observe notamment la réduction du volume d’emballages mais aussi une offre plus variée d’emballages réutilisables. Ces changements portés par les citoyen·nes montrent les possibles qui sont envisageables.

On retrouve d’autre part des évolutions du côté du recyclage. Parlons-en.

III. Recyclage

Mondialement, 40 % des déchets plastiques finissent « perdus » dans l’environnement [13](2020, 23 juillet) Breaking the Plastic Wave: Top Findings for Preventing Plastic Pollution. pewtrusts.org. Ce contexte est à garder en tête avant de parler du recyclage. Lorsqu’on parle de cette solution, il faut réaliser qu’une collecte efficace est une condition préalable et nécessaire. Les moyens disponibles pour la gestion de déchets varient à travers le monde et la quantité de « déchets sauvages » varie elle aussi. Recycler les déchets est une solution applicable dans un cas encore idéal.

Plaçons-nous dans un tel cas. Nos déchets ménagers finissent tout d’abord à la poubelle. Ensuite, grâce au tri sélectif, certains plastiques sont récupérés en vue d’une transformation, ou « valorisation ». Le recyclage vise à réintroduire la matière sur le marché après traitement, plutôt que de l’incinérer ou la placer en décharge. Le recyclage augmente alors la valeur des plastiques « usagés ».

La vidéo suivante présente le cycle de recyclage d’une bouteille en PET (polyéthylène téréphtalate).

En 2021, la région bruxelloise offre aux particuliers un tri sélectif assez complet. En effet, un nouveau sac bleu accueille une gamme élargie de déchets plastiques ménagers [14] (s.d.) Nouveau sac bleu. lenouveausacbleu.be. Pour des raisons de simplicité, les services publics parlent d’usages et non de matériaux.

Le nouveau sac bleu accueille ainsi « pots, raviers, barquettes, films et sacs ». Une incroyable évolution, mais qui pose aussi la question « pourquoi ces usages n’étaient-ils pas couverts précédemment ? Qu’est-ce qui dicte le devenir de nos déchets plastiques ? »

Pour répondre, plongeons plus encore dans le recyclage. Détaillons pourquoi la part des déchets recyclés augmente. Avec les connaissances abordées précédemment, nous pourrons expliquer pourquoi toute matière n’est pas recyclable. Nous verrons enfin pourquoi le recyclage n’est pas la réponse universelle aux déchets plastiques.

Recyclabilité des déchets plastiques

La part des déchets plastiques ménagers recyclés en Belgique atteint aujourd’hui 41,2% [15] (2020, 23 octobre) 84 % des déchets d’emballages sont recyclés. statbel.fgov.be. Le tri des plastiques, étape nécessaire avant le recyclage se fait par des moyens mécaniques et optiques. Sans entrer dans les détails, la forme, la densité, la couleur et la propreté des déchets sont déterminants dans le tri.

Un déchet plastique fin (film), peu dense (comme la frigolite), composé de plusieurs matériaux (brique de jus de fruit) ou souillé par des aliments est difficile à traiter avec les méthodes standards. Une série de déchets plastiques, bien que recyclables en théorie sont donc refusés, car trop coûteux à traiter. Aucune donnée complète n’est disponible définissant le volume de déchets refusés en Belgique.

La part de déchets recyclés est dépendante de la recyclabilité : on la définit comme une limite technique ou économique qui dicte qu’un déchet plastique est recyclable ou non. Toute entreprise privée se doit actuellement d’être rentable et ne trie puis recycle donc uniquement les matières pour lesquelles une marge peut être réalisée. Le principal facteur limitant au recyclage est donc la dimension économique. Aujourd’hui ce sont principalement le HDPE et PET transparent qui sont recyclés (rapport 2018 de la CIE). Dit autrement : seule une part des déchets plastiques recyclables est actuellement recyclée.

Quid de notre nouveau sac bleu ? Comment a-t-il pu être mis en place ? L’accroissement des déchets pris en charge portant sur le format des déchets recyclés serait associé à un investissement de 300 millions d’euros [16] (2019, 6 septembre) Pourquoi un investissement de 300 millions d’euros s’impose. fostplus.be. Les investissements sont nécessaires pour ouvrir de nouvelles chaînes de tri, équipées de nouvelles méthodes.

Les 5 grandes limites au recyclage

Il existe tout d’abord une limite technique : les évolutions industrielles concernent majoritairement les thermoplastiques. Eh oui, notre distinction plus haut est utile ! A l’échelle moléculaire, les chaînes de polymères thermoplastiques ne sont pas liées chimiquement entre elles. Lorsqu’on chauffe un déchet thermoplastique, on peut théoriquement revenir du solide à une matière vierge pour ensuite la réutiliser. Le nouveau sac bleu qui concerne nos déchets ménagers se concentre logiquement sur ces thermoplastiques.

Au contraire, un thermodurcissable présente des liaisons chimiques entre les chaines polymères. Un thermodurcissable est difficilement recyclable ; il faut en effet briser ces liens pour revenir à une matière réutilisable. Les techniques nécessaires pour briser chimiquement un plastique représentent un coût aujourd’hui inabordable. Cela explique pourquoi le PU, un thermodurcissable, est peu recyclé.

Second obstacle de taille : nous l’avons dit, un déchet sera recyclé uniquement s’il y a un débouché économique. Autrement dit, s’il n’existe pas de filière pour valoriser un déchet, celui-ci finira plutôt incinéré ou à la décharge. Cet obstacle économique explique pourquoi une grande partie de nos déchets plastiques a longtemps été envoyée « disparaître » en Chine [17] (2019, 23 avril). « Un choc sur toute la planète » : une décision chinoise plonge le recyclage mondial dans le chaos.  rtbf.be.

Troisième obstacle : le recyclage d’une matière en continu est proche du mythe. La raison est que recycler une matière provenant d’un usage pour le même usage requiert une qualité égale. Par exemple, les bouteilles en PET de qualité alimentaire contiennent aujourd’hui une fraction de PET recyclé. Du PET vierge doit être utilisé en complément pour obtenir les performances attendues. Le recyclage n’est donc pas une solution magique qui assure une circularité parfaite.

Quatrième obstacle : tant que le recyclage repose sur des structures optimisées pour une matière très calibrée, c’est-à-dire présentant une composition et formes dans une gamme étroite, un volume conséquent de déchets plastiques ne peut être traité. Par exemple, du PET recyclé utilisé pour fabriquer un pull ne pourra être recyclé de nouveau, faute de chaînes industrielles acceptant du textile [18] M. van Elven. (2018, 28 novembre) Le polyester recyclé est-il vraiment ecofriendly ? fashionunited.fr. Seules des structures alternatives, complémentaires et plus flexibles pourraient accepter des déchets plus variés. On rejoint ici l’obstacle deux : ces structures pourraient créer des filières nouvelles et répondre aux besoins à une échelle plus locale.

Dernier et plus grand obstacle : le recyclage n’est possible que si les déchets sont collectés. Logique ? Nous nous arrêtons sur cet obstacle pour fournir un contexte à l’énorme pollution causée par les déchets plastiques.

Collecter n’est pas donné

La réalité est qu’aujourd’hui, seuls 15% des plastiques sont recyclés dans le monde [19](2020, 23 juillet) Breaking the Plastic Wave: Top Findings for Preventing Plastic Pollution. pewtrusts.org . Il existe de grandes disparités dans la collecte des déchets et les investissements nécessaires pour accroitre cette part sont conséquents. Rien qu’en Belgique, 49% des déchets plastiques sont encore incinérés [20] (2020, 23 octobre) 84 % des déchets d’emballages sont recyclés. statbel.fgov.be.

Les auteurs de l’excellent rapport Breaking the Plastic Wave estiment le coût d’une collecte complète des déchets ménagers en 2040 à 100 milliards de dollars. Le recyclage s’ajoute à une collecte « propre » et un tri efficace. Il représente donc un investissement supplémentaire à cette somme. L’obstacle économique, qui n’est pas insurmontable, soit dit en passant, explique pourquoi la situation globale est sobre: seuls 9% des déchets plastiques produits depuis 1950 ont été recyclés.[21] H. Ritchie et M. Roser. (2018, septembre). Plastic Disposal Methods. ourworldindata.org

Le même rapport explique que des améliorations technologiques majeures dans le secteur du recyclage permettra de réduire plus encore le volume de déchets. Selon les auteurs toutefois, même avec ces avancées d’ici 2040, le recyclage réduira de 20 % seulement le volume attendu. La figure ci-dessous tirée du rapport visualise l’impact de plusieurs solutions sur le volume de déchets plastiques, sur une échelle de temps 2016-2040. « Business-as-usual » fait référence au volume de déchets prévu avec les moyens actuels. Le recyclage est indiqué en vert (3 technologies sont distinguées au sein de cette solution).

Breaking the plastic wave report © 2020 The Pew Charitable Trusts

Quel est le message ? Le recyclage est une solution très intéressante et responsable qui doit continuer de se développer. Bien ancrée dans les pays riches, le recyclage réduit significativement notre volume de déchets. En même temps, ce n’est qu’une partie de la réponse.

Par ailleurs le recyclage ne résout en rien le problème de la pollution provoquée par les déchets plastiques non collectés. Les données actuelles montrent une augmentation continue d’ici à 2040 avec les dispositions actuelles.

Que faire ?

Être optimiste : rappelons que l’action individuelle importe. Oui, nous le soutenons, l’action de chacun.e d’entre nous contribue à changer les choses. Bien sûr, nous savons aussi que l’action collective et concertée est aussi nécessaire pour pérenniser des changements positifs.

Être réalistes : nous ne changeons pas en un jour. En acceptant ceci, il devient alors possible de changer de manière incrémentale. Que puis-je faire pour contribuer à réduire ma consommation de plastique ? Nous aborderons nos solutions en tant que fabriquant dans notre troisième article. Voici déjà une liste d’actions à l’échelle individuelle :

  • Jeter en triant de manière adéquate. Il est parfois difficile de savoir où va quoi. Vous retrouverez ci-dessous un rappel des sigles pour les matières plastiques. Le site du nouveau sac bleu apporte des précisions pour 2021 en Belgique.
  • Refuser autant que possible les produits plastiques à usage unique.
  • Ne pas rejeter « le plastique » d’emblée. Chaque matériau présente une myriade d’applications. Il faut considérer tout le cycle de vie d’un produit, les sources de pollution, voire considérer l’impact social ou des phénomène de transition. Nous en reparlerons.
  • Réutiliser les emballages quand c’est possible, en fonction de vos besoins. On prolonge ainsi leur durée de vie pour réduire le volume de déchets.
  • Encourager des initiatives qui investiguent l’utilisation de matières recyclées obtenues de sources alternatives. Par exemple vous pouvez acheter des produits de marques utilisant du textile Seaqual. C’est un PET récupéré des océans et réinjecté dans le circuit courant. Le réseau preciousplastic est aussi très intéressant : il propose de recycler localement les déchets plastiques. A Bruxelles, l’atelier Plastic Factory, membre de ce réseau, propose par exemple des objets du quotidien fabriqués à partir de bouchons de bouteilles collectés dans le quartier. Acheter des produits recyclés ou upcyclés localement encourage la mise en place d’alternatives fortes.

Conclusion

Nous montrons que la source première de déchets plastiques est l’usage unique. Ce n’est non pas un plastique en particulier ou « le plastique » qui est principal responsable, mais bien la conception actuelle de ces matériaux. Bien évidemment, ceci ne nie en aucun cas le besoin parallèle de réduire notre consommation, notamment en ressources non renouvelables.

Notons que la demande industrielle pour certains plastiques recyclés croit [22](2020) PlasticsEurope. Plastics – the facts 2020, diapositive 31 & 34. plasticseurope.org). Émotionnellement aussi, la valeur du plastique augmente : on note plus de produits en plastiques conçus pour durer ou favoriser la réutilisation. La législation évolue aussi. En 2021 une taxe sur les déchets d’emballages en plastique non-recyclés entre en vigueur [23](2020, 14 décembre) Nouvelle décision relative aux ressources propres. consilium.europa.eu. Pour autant, une grande partie des déchets collectés est encore incinérée faute de débouchés. Attendre que le recyclage industriel atteigne 100 % à travers le monde est illusoire. Nous avons besoin de solutions plus locales, flexibles, complémentaires et actives à petite échelle. Nous pensons pouvoir contribuer exactement ici. Ces solutions, nous en parlerons dans un article #3.

Avant cela, nous décrirons la pollution plastique dans l’article #2. En effet, il nous faut plonger dans les détails ; couvrir d’où provient la pollution plastique, parler de dégradabilité et des types de pollution. Outillé·e des informations décrites en #1 et #2, nos solutions vous apparaitront logiques. Dès lors, la discussion est ouverte…

Petit mot pour la fin : avec la Fabrique du Ciel Bleu nous créons un plus durable cohérent, réaliste, aux avancées et compromis transparents. Les informations de cette série nous permettent, à nous Aurélie et Luc, de donner corps à nos réflexions. Si vous voulez soutenir ce projet, notre rédaction, n’hésitez pas à partager cette page de blog ou nous donner un retour via nos réseaux.

Au prochain épisode !

Sources & informations

Sources & informations
1, 13, 19 (2020, 23 juillet) Breaking the Plastic Wave: Top Findings for Preventing Plastic Pollution. pewtrusts.org
2 (s.d.) Convention citoyenne pour le climat, limiter le suremballage. propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr
3 (s.d.) Interdictions de certains ustensiles en plastique à usage unique. wallonie.be
4, 8 (s.d.) European Plastic Industry Market Data. plasticseurope.org
5 J.M. Michel (2006, août) Histoire industrielle des polymères
6 (s.d.) Colle d’os. wikipedia.org
7 D.W. von Endt et M.T. Baker (1991). The chemistry of Filled Animal Glue Systems. cool.culturalheritage.org
9 H. Ritchie et M. Roser. (2018, septembre). Plastic Use by Sector. ourworldindata.org
10 H. Ritchie et M. Roser. (2018, septembre). Which Sectors Produce the Most Plastic? ourworldindata.org
11 (2017, 19 juillet). R. Geyer et al. Science Advances. Production, use, and fate of all plastics ever made
12 (2010). S. Murakami et al. J Indust Eco. Lifespan of Commodities, Par I
14 (s.d.) Nouveau sac bleu. lenouveausacbleu.be
15, 20 (2020, 23 octobre) 84 % des déchets d’emballages sont recyclés. statbel.fgov.be
16 (2019, 6 septembre) Pourquoi un investissement de 300 millions d’euros s’impose. fostplus.be
17 (2019, 23 avril). « Un choc sur toute la planète » : une décision chinoise plonge le recyclage mondial dans le chaos.  rtbf.be
18 M. van Elven. (2018, 28 novembre) Le polyester recyclé est-il vraiment ecofriendly ? fashionunited.fr
21 H. Ritchie et M. Roser. (2018, septembre). Plastic Disposal Methods. ourworldindata.org
22 (2020) PlasticsEurope. Plastics – the facts 2020, diapositive 31 & 34. plasticseurope.org
23 (2020, 14 décembre) Nouvelle décision relative aux ressources propres. consilium.europa.eu
Transparence

Aurélie et Luc, les auteurs,  n’avons perçu aucune rémunération pour la rédaction de cet article. Toutes les données indiquées sont soutenues par des sources externes. Nous attirons votre attention sur le fait que nous utilisons des plastiques recyclés ou biosourcés dans certains de nos produits. Ce choix est raisonné. Cette série d’articles tente justement d’expliquer notre démarche, loin d’un dogme ou d’idées reçues.