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Les vernis et huiles pour la finition de bois massif : composition et avantages

On distingue deux types de finitions pour le bois massif : les vernis et les huiles. Pour le néophyte, il peut se révéler difficile de choisir entre ces produits, notamment car la composition est au mieux floue et leur performance incertaine. Dans cet article nous abordons les différences entre finitions filmogènes et non-filmogènes et détaillons la composition de ces produits. En fin, nous proposons nos propres critères de choix pour les formulations utilisées à l'atelier.
Table des matières

I/ Introduction

Tout mobilier en bois massif requiert une finition de surface pour traverser les années en conservant son esthétique. Le bois non traité vieilli et s’use plus vite, notamment pour le mobilier fortement sollicité comme une table de salle à manger. Les créations que nous fabriquons dans notre atelier sont protégées avec des formulations tirées des traditions. Nous sélectionnons des finitions qui se basent sur des composants peu raffinés, locaux et issus de sources renouvelables.

Selon nous, choisir d’utiliser nos propres finitions est un gage de qualité et nous permet de maitriser la composition et donc fabriquer de manière plus responsable. Ailleurs sur le marché toutefois, il existe de nombreux produits destinés aux professionnelles et aux particuliers. Parmi cette large offre, les avantages et inconvénients varient. La composition est floue et leur performance n’est pas acquise.

Vous souhaitez en savoir plus sur les formulations traditionnelles et leur performance ? Vous souhaitez rénover votre meuble en bois mais ne connaissez pas la différence entre une huile et un vernis ? Vous souhaitez comprendre la composition des produits de finition ? Trouvez réponse à ces questions avec cet article, qui se positionne plutôt technique afin d’offrir une réponse détaillée. Comme toujours, nous vulgarisons les quelques points matériaux afin de rendre ces informations utiles.

II/ Principes de base : le bois, un matériau naturel

Avant d’aborder les produits de finition, il est nécessaire d’aborder la structure du bois. Ce matériau naturel présente une structure bien particulière, associée à son développement.

Comme tout être vivant, un arbre doit respirer, se nourrir et boire. L’arbre tire son énergie de la photosynthèse qui s’opère au niveau des feuilles et ses nutriments du sol. Pour transporter cette énergie et ces nutriments, il faut des vaisseaux. Un zoom sur la microstructure du bois (échelle 100 µm = diamètre d’un cheveu) montre une grande porosité. Dit simplement, le bois est un assemblage de vaisseaux collés les uns aux autres et c’est donc un matériau poreux.

Par ailleurs, le bois est une matière qui contient de l’eau et « aime » l’eau. On dit qu’il est hydrophile. Séché, le bois de mobilier présente toujours une humidité d’environ 10 %.

L’application d’un produit de finition à la surface du bois doit donc prendre en compte sa porosité et une certaine humidité.  Nous allons voir que les deux grandes classes de produits de finition « jouent » avec ces propriétés.

Structure microscopique du bois. Source : Siau, J. F. (1984). Wood Structure and Chemical Composition

III/ Les classes de produits de finition

A. Produits filmogènes (vernis)

La première classe regroupe les produits qui forment une couche homogène et imperméable à la surface du bois. On parle d’un fin film qui obstrue tous les pores du bois et forme une barrière étanche à l’eau.  Les produits filmogènes pénètrent peu voire pas dans le bois et « s’accrochent » à sa surface par voie chimique ou physique.

Filmogène – synthétique

Le produit filmogène par excellence est le vernis synthétique. Ce vernis contient des polymères [1]Le mot « polymère » est synonyme de « plastique » ou « résine » et désigne un matériau constitué de longues chaines répétant un motif, le monomère, dispersé dans un solvant.. Ce solvant peut être « organique » (hydrocarbures ou dérivés, comme l’acétone, le toluène, des alcools, etc.) ou de l’eau [2]Dans le cas de vernis « en phase aqueuse », des dispersants sont nécessaires pour assurer l’émulsion des polymères dans l’eau. La plupart des polymères étant peu ou pas solubles dans … Continue reading. Les polymères synthétiques sont typiquement de chimie acrylique ou polyuréthane.

Filmogène – naturel

Les vernis d’origine naturelle existent aussi. Un vernis traditionnel contient au moins une résine naturelle, de dammar, copal, colophane, ou gomme-laque. Ces résines sont des polymères naturels isolés par l’homme à partir de différentes sources végétales ou animales. Comme pour le vernis synthétique, la résine naturelle est rendue liquide avec un solvant, typiquement de l’essence de térébenthine. Cette essence est un hydrocarbure d’origine naturelle qui est obtenu depuis des siècles par raffinage de la résine de pin.

Que se passe-t-il lorsqu’on applique un produit filmogène sur le bois ?

A l’application d’un vernis sur le bois, le solvant s’évapore [3]L’évaporation du solvant est responsable de l’émission de composés organiques volatiles (COVs). Les COVs peuvent poser des problèmes environnementaux et de santé. La thématique est … Continue readinget laisse un film à la surface bouchant complètement les pores. Selon la chimie du vernis, ce film est plus ou moins résistant à l’usure, au soleil et aux liquides. Il est aussi possible de modifier le plastique pour accroitre sa résistance. En mélangeant un « durcisseur » au vernis avant l’application sur le bois, on lance une réaction chimique pour former un film dense et dur, très résistant. C’est ce qu’on appelle un « vitrificateur ».

B. Produits non-filmogènes (huiles)

La seconde classe regroupe les produits qui saturent le bois, c’est-à-dire qui contiennent des huiles pénétrant les fibres en chassant l’air contenu. La profondeur saturée varie en fonction de l’essence de bois et sa densité.

Le produit non filmogène traditionnel en Europe est l’huile de lin, éventuellement diluée avec de l’essence de térébenthine. D’autres huiles d’origine naturelle sont utilisées en fonction des couleurs recherchées, comme l’huile de tung, l’huile de carthame, l’huile de noix ou l’huile de ricin. Toutes ces huiles ont une composition spécifique qui leur permet de « sécher » sans rancir [4]De manière plus appropriée, l’huile ne « sèche » pas. Spécifiquement, les acides gras contenus dans l’huile s’oxydent avec l’oxygène contenu dans l’air pour se lier entre eux et … Continue reading. Bien qu’il n’existe pas d’alternative synthétique, notons que les huiles naturelles peuvent être raffinées et chauffées pour produire une standolie. Cette standolie a déjà partiellement polymérisé [5]Une standolie est une huile chauffée à haute température sous atmosphère inerte (sans oxygène). Le traitement fait partiellement polymériser l’huile sans la dégrader.. Adjointe à l’huile de lin vierge, elle vient augmenter la résistance mécanique de la finition.

Que se passe-t-il lorsqu’on applique un produit non-filmogène sur le bois ?

A l’application d’une huile sur le bois, l’huile diffuse dans les couches supérieures de la matière. Le solvant (synthétique ou d’origine naturelle) facilite la pénétration de l’huile dans le bois. Comme avec le vernis, le solvant s’évapore rapidement. L’huile « sèche » ensuite pour former une protection durable (voir note précédente). Cette réaction est relativement lente et prend quelques heures à plusieurs jours, selon la présence de siccatifs et leur concentration [6]Tous les produits commerciaux à base d’huile contiennent des siccatifs. Que sont les siccatifs ? Ce sont des oxydes métalliques qui ont pour rôle d’accélérer la polymérisation de l’huile. … Continue reading.

L’huile de lin est obtenue par pressage mécanique des graines de la plante. L’huile contient une grande fraction d’acide gras insaturés, capables de s’oxyder à l’air et polymériser. L’huile de lin est produite notamment en France et en Belgique.

Les produits non filmogènes demandent l’application de plusieurs couches de finition afin de complètement saturer le bois et former une protection homogène. La finition est moins résistante aux liquides qu’un vernis car les pores ne sont pas bouchés. Avec un produit non filmogène, on rend avant tout la surface plus hydrophobe, c’est-à-dire qui « repousse » l’eau. Pour améliorer la résistance aux liquides, il est nécessaire d’appliquer une cire (ou huile-cire) par-dessus pour boucher les pores.

IV/ Quelques précisions sur la composition

On note que la composition des produits de finition dans le commerce est rarement explicite et complète. Même dans les listes les plus exhaustives, la terminologie est floue et certains additifs sont omis car en très faible concentration. C’est le cas typiquement des antioxydants et conservateurs utilisés pour stabiliser le produit (avant et après application). Mais c’est aussi le cas des dispersants ou « agents mouillants » [7]Les dispersants agissent comme un savon, c’est-à-dire viennent solubiliser des composants hydrophobes dans le solvant eau.nécessaires pour les formulations synthétiques en phase aqueuse et la solubilisation de certains pigments.

Mais au-delà des composants « secrets », quels autres éléments fonctionnels est-il important de connaître ?

Les produits de finition peuvent contenir des cires. Leur rôle principal est de matifier la surface (réduire la brillance pour un effet satiné ou mat), augmenter la résistance mécanique du film [8]Plus précisement, une cire augmente la plasticité du film, c’est-à-dire sa résistance à la déformation. On dit que la cire (ou certaines résines) joue un rôle de plastifiant. et la résistance à l’eau de finitions non filmogènes en les rendant filmogènes.

Quelles sont ces cires ?

Les produits traditionnels emploient la cire d’abeille et la cire de carnauba. Cette dernière est plus dure et plus hydrophobe [9]L’hydrophobicité décrit la capacité d’un solide à repousser l’eau.que la cire d’abeille. Dans les produits synthétiques, on retrouvera de la paraffine (un hydrocarbure sous forme liquide ou solide) [10]La paraffine est un matériau incroyablement utile pour l’industrie (lubrifiant notamment) mais c’est aussi un grand polluant et issu de sources non renouvelable. En lire plus sur wikipédia.. Des résines d’origine naturelles comme la résine colophane peuvent aussi être ajoutées pour former une « huile dure ».

Les produits de finition peuvent aussi contenir des « charges ». Les charges se distinguent des pigments de par leur rôle : elles visent à renforcer la résistance à l’usure de la finition ou la résistance aux liquides. Éventuellement, ces charges peuvent aussi servir d’absorbeur UV et de siccatif.

Quelles sont ces charges ?

Les charges traditionnelles incluent le talc, le kaolin et d’autres argiles. Les produits modernes peuvent inclure des microparticules plastiques [11]Les charges synthétiques incluent des polyesters (PE) ou des chimies similaires au téflon (un polymère fluoré). C’est le cas de la marque Rubio Monocoat..

V/ +/- des produits filmogènes

Avantages

– Bonne résistance à l’usure,

– Résiste très bien à l’eau et aux liquides,

– N’altère généralement pas la couleur du bois,

– Certains produits sont dits « compatibles avec un usage alimentaire » car la surface traitée est imperméable et lavable.

Inconvénients

– Durée d’utilisation courte, voire très courte une fois ouvert (notamment pour un vitrificateur). Généralement plus de déchets générés qu’un produit non filmogène.

– Film plastique oblige (dans les formulations synthétiques en particulier), l’électricité statique s’accumule et attire les poussières.

– Change la texture du bois en bouchant les pores. On perd le touché naturel de cette matière.

– Barrière étanche oblige, si le bois n’a pas été suffisamment séché, on piège l’eau en son sein, avec des effets négatifs à prévoir (instabilité),

– Difficile à entretenir. Dans le cas de rayures importantes, il faut complètement poncer le bois pour enlever le film et réappliquer le produit,

– Les composition synthétiques polluent le bois (non biodégradable),

– Le ponçage d’un vernis synthétique génère des microplastiques [12]Pour plus d’informations à propos des microplastiques, consulter le site europa.eu.

VI/ +/- des produits non filmogènes

Avantages

– Résiste bien à l’eau et aux liquides. Cela varie toutefois selon les produits et la méthode d’application (présence ou non de composants bouche pores).

– Facile à entretenir, notamment via l’application de nouvelles couches du même produit après un certain temps [13]La facilité d’entretien est un point très important dans une vision circulaire : le mobilier peut être entretenu par tout un chacun, garantissant ainsi une longévité maximale.

– Produits pouvant être appliqués purs (huile de lin ou carthame par exemple), sans solvants ou additifs pour une formulation 100 % naturelle et saine[14]La contrepartie au choix d’exclure les siccatifs est un très long temps de séchage (> 1 semaine).

Inconvénients

– Requiert un entretien plus ou moins régulier [15]Nous conseillons un entretien annuel pour une table de salle à manger ayant reçu une finition à l’huile dure..

– Altère la couleur du bois car l’huile pénètre la surface et change son interaction avec la lumière. La gamme de pigmentation est généralement plus restreinte, notamment pour les formulations 100 % naturelles (pas de pigments synthétiques).

– Finition perméable qui demande l’application supplémentaire d’une cire en surface pour obtenir une surface durablement résistante aux liquides.

– les huiles naturelles ont plus tendance à s’oxyder dans le temps que les composants synthétiques (effets notables après 5, 10 ou 20 ans selon les conditions et notamment ensoleillement). Les conséquences sont esthétiques (jaunissement). Ceci est limité dans les formulations contenant des additifs anti UV.

VII/ Conclusion

Avec toutes ces spécificités, il peut sembler complexe de choisir une finition parmi d’autres. Voici les critères de choix que nous retenons à l’atelier pour choisir nos propres finitions :

  • Réparabilité : la finition doit pouvoir être entretenue par l’utilisateur·ice. Par conséquent, les vernis synthétiques sont exclus et notamment l’emploi de formulations avec « durcisseurs ».
  • Durabilité : la finition doit durer dans le temps et donc offrir une tenue correcte. Cela repose principalement sur un bon « séchage » des huiles siccatives. Il faut bien suivre les recommandations des fabricants.
  • Fonctionnalité : la finition doit être adaptée à l’utilisation. Une commode recevra 2 à 3 couches d’huile de lin pour résister à une usure légère. Au contraire, une table de salle à manger recevra des couches d’huile dure (huile avec une fraction de résine et charges) et une couche finale d’huile-cire.
  • Écologique : les composants doivent autant que possible être issus de sources renouvelables, les plus locaux et peu raffinés. L’entretien du bois qui a déjà reçu une finition doit être facile et sain (pas d’émissions de microplastiques). Cela exclut une deuxième fois les vernis et huiles contenant une majorité de composants synthétiques (huile/cire de paraffine, acrylique (« latex »), polyuréthane, etc.).

Qu’est-ce que nous employons alors ?

Nous utilisons uniquement des huiles, huiles « dures » et mélange huile-cire, aussi connu sous le nom d’encaustique. En termes de composants, nous retenons l’essence de térébenthine pure ou essence d’orange comme solvant et des huiles et cires d’origine naturelle (huile de lin et carthame, standolie de lin, cire d’abeille). Selon l’application, nous employons des siccatifs basés sur le calcium, le zirconium et le manganèse en quantités minimales. Les charges retenues sont le talc et le kaolin.

Cette liste courte de composants n’est en aucun cas limitante. Libre à chacun·e d’identifier le « bon » produit de finition, en fonction de ses critères. Nos choix nous permettent simplement de garantir une composition et performance connue pour la finition de notre mobilier.

Sources & informations

Sources & informations
1 Le mot « polymère » est synonyme de « plastique » ou « résine » et désigne un matériau constitué de longues chaines répétant un motif, le monomère, dispersé dans un solvant.
2 Dans le cas de vernis « en phase aqueuse », des dispersants sont nécessaires pour assurer l’émulsion des polymères dans l’eau. La plupart des polymères étant peu ou pas solubles dans l’eau, il faut forcer leur dispersion.
3 L’évaporation du solvant est responsable de l’émission de composés organiques volatiles (COVs). Les COVs peuvent poser des problèmes environnementaux et de santé. La thématique est complexe et n’est pas abordée dans cet article.
4 De manière plus appropriée, l’huile ne « sèche » pas. Spécifiquement, les acides gras contenus dans l’huile s’oxydent avec l’oxygène contenu dans l’air pour se lier entre eux et former une chaine continue. C’est la polymérisation ou formation d’un plastique naturel.
5 Une standolie est une huile chauffée à haute température sous atmosphère inerte (sans oxygène). Le traitement fait partiellement polymériser l’huile sans la dégrader.
6 Tous les produits commerciaux à base d’huile contiennent des siccatifs. Que sont les siccatifs ? Ce sont des oxydes métalliques qui ont pour rôle d’accélérer la polymérisation de l’huile. Traditionnellement, les métaux employés comme siccatifs étaient le plomb et le zinc. Très toxiques, notamment pour le plomb, ils sont aujourd’hui remplacés par des sels de cobalt, de zirconium, de calcium et de manganèse.
7 Les dispersants agissent comme un savon, c’est-à-dire viennent solubiliser des composants hydrophobes dans le solvant eau.
8 Plus précisement, une cire augmente la plasticité du film, c’est-à-dire sa résistance à la déformation. On dit que la cire (ou certaines résines) joue un rôle de plastifiant.
9 L’hydrophobicité décrit la capacité d’un solide à repousser l’eau.
10 La paraffine est un matériau incroyablement utile pour l’industrie (lubrifiant notamment) mais c’est aussi un grand polluant et issu de sources non renouvelable. En lire plus sur wikipédia.
11 Les charges synthétiques incluent des polyesters (PE) ou des chimies similaires au téflon (un polymère fluoré). C’est le cas de la marque Rubio Monocoat.
12 Pour plus d’informations à propos des microplastiques, consulter le site europa.eu
13 La facilité d’entretien est un point très important dans une vision circulaire : le mobilier peut être entretenu par tout un chacun, garantissant ainsi une longévité maximale
14 La contrepartie au choix d’exclure les siccatifs est un très long temps de séchage (> 1 semaine)
15 Nous conseillons un entretien annuel pour une table de salle à manger ayant reçu une finition à l’huile dure.